Fragments de l’avant-garde

L’exposition The power of the Avant-garde, organisée dans le contexte de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, présentera son double parcours au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles jusqu’au 22 janvier 2017. Double parcours puisque le Commissaire Ulrich Bischoff, venu de Dresden, a voulu montrer un panorama historique de l’avant-garde issue essentiellement de l’est de l’Europe, de Russie, d’Italie et, bien sûr, de Belgique, mais il a aussi constitué ce qu’il appelle des « tandems » en proposant à des artistes contemporains d’identifier dans les avant-gardes présentes une œuvre qui leur ferait écho. On trouve ainsi des tandems somptueux comme le Laissés et accrochés (2013) de Marcel Odenbach (1953, Allemagne) face à L’assassinat de James Ensor (1888), le Téléphone (pour Kafka) (1991) de John Baldessari (1931, USA) et La signature de l’artiste (1972) de Marcel Broodtaers ou encore l’étonnant Tokyo dream (2010) de Koen Vermeulen (1965, Pays-Bas) en regard du paisible Jeune fille et chien (1913) de Leon Spillaert. Tous les « tandems » ne sont pas aussi convaincants mais ils illustrent mieux que de longues d’explications à quel point l’avant-garde, que l’on situe entre 1880 et la fin de la première guerre, a bel et bien été une rupture avec les traditions, les thèmes et les styles artistiques et a permis l’éclosion de genres nouveaux et d’écoles très diverses : Die Brucke (Heckel), Die Blaue Reiter (Kandinsky), expressionismes allemand, futurisme italien (Severini), cubo-futurisme russe (Goncharova),Bauhaus ou le machinisme (Schiele),…

Mais ce qui m’a vraiment intéressée, c’est le fil rouge qui sous-tend l’exploration des œuvres et qu’annonce, dans une salle prologue, une étonnante grenade K.Z.11, conçue en 1915, dont le système de retardement pouvait être réglé à la seconde près afin d’augmenter son efficacité. Son esthétique est troublante et pourrait presque faire penser à une sculpture avant-gardiste comme celles que l’on voit dans la salle 7. En face de la vitrine, une sculpture suspendue évoque l’explosion de la grenade. Le lien entre toutes ces œuvres d’avant-garde est là : fragmentation du temps – lorsque la vie et la mort se jouent à une seconde –, fragmentation de l’espace, fragmentation sociale, fragmentation du réel, donc, et de la perception que l’artiste peut en avoir, illustrée entre autres par Le vase de cristal de Picasso présenté dans la dernière salle, comme un écho à la salle prologue. Regard visionnaire du temps fragmenté dans un monde fragmenté et en changement, dont l’héritage se retrouve sans conteste chez les artistes contemporains.

 

Ce texte est soumis à la loi sur la reproduction. Autorisation à demander à amelie.haut@gmail.com

 

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.