Langage de l’exposition

Par le plus grand des hasards (mais le hasard existe-t-il vraiment ?), j’ai choisi cette année de suivre, à l’ULB, le passionnant cours du Professeur Denis Laoureux* sur les médiations de l’œuvre d’art. Et le hasard (encore lui ?) a voulu qu’il aborde en ce moment le sujet complexe de l’exposition. De ses premiers cours, je voudrais partager ici quelques éléments qui m’ont interpelée.

Il n’y a pas d’art sans médiation. En effet, aussi longtemps que l’œuvre reste dans l’atelier de l’artiste et que celui-ci ne démarche pas pour la faire connaître, elle n’existe pas, n’a pas de réalité ni d’influence. Rappelons le cas des fameuses Demoiselles d’Avignon peintes en 1906, maintenue dans l’ombre par Picasso jusqu’en 1916 et n’ayant donc pas pu avoir historiquement l’impact qu’on lui prête sur l’apparition du cubisme. Pierre Nahon, dans son Dictionnaire amoureux** dit à propos de l’art contemporain – et en pensant particulièrement à Marcel Duchamp – que « ce qui fait l’œuvre d’art, c’est avant tout le regard porté sur un objet». Et cela s’avère totalement vrai pour n’importe quelle œuvre, qu’elle soit contemporaine ou non. L’œuvre ne s’impose jamais d’elle-même et tout artiste cherche un regard extérieur.

L’exposition est donc l’une des multiples médiations pour laquelle peut opter l’artiste, afin de montrer son œuvre au public, à la critique, aux acheteurs, aux collectionneurs, au marché et, en général, au monde de l’art (musées, biennales, salons, etc.).

L’exposition permet de faire voir un objet artistique mais elle va également élaborer un discours sur et autour de l’œuvre. Elle est avant tout une fiction. Quels que soient le lieu, la finalité ou le commissaire, par sa manière d’accrocher – historique, linéaire, par genres, par sujets, par formes ou autres – elle met la pensée en espace, elle raconte quelque chose, elle crée un récit. Elle établit un dialogue sur et avec les œuvres. En tous cas, même si les conditions sont minimales, l’exposition n’est jamais neutre, elle oriente la réception.

De la même façon, l’exposition est aussi un agencement non neutre de l’espace : elle est toujours un montage et dès qu’un tableau est posé à côté d’un autre, un dialogue s’entame. Elle a donc besoin d’une scénographie, de matériel et d’une ligne d’accrochage tout autant que d’une personne qui joue le rôle de scénographe. Il n’est pas non plus inintéressant d’envisager un dispositif qui guide le spectateur ou force même son parcours.

Il n’y a pas si longtemps, au Salon Artistique de Charleroi, sur le stand de l’Atelier Isara, un ensemble de toiles, signées par huit des peintres – parmi lesquels Amélie Haut – qui fréquentent l’atelier du mercredi, étaient proposées aux regards. Pour la plupart d’entre nous, c’était une première. Et ce n’était pas facile d’imaginer ce que signifiait « exposer ses tableaux », surtout à huit ! En entendant le Professeur Laoureux parler du langage de l’exposition, j’ai repensé aux difficultés que nous avions rencontrées au moment de l’accrochage qui ne fut pas aisé, pour toute une série de raisons parmi lesquelles l’heure extrêmement matinale, le court laps de temps avant l’ouverture, le nombre de toiles, les genres, des cimaises plus petites que prévu et d’autres éléments que n’aidait pas notre manque d’expérience. Inconsciemment, nous avons donc opté pour le discours de la diversité et du foisonnement mais aussi des dialogues de couleurs. Ce choix n’était peut-être pas le meilleur mais, face aux réactions des visiteurs, il nous a donné l’occasion de saisir toute la complexité de la mise en espace de ce que l’on présente.

L’exposition est une proposition signifiante. Elle « montre et démontre »*. Nous devrons garder en mémoire ce principe absolu lorsque que nous voudrons à nouveau donner nos œuvres à voir.

 

 

  • *Laoureux, Denis. L’art et ses médiations, Cours de l’Université libre de Bruxelles. Année académique 2016-2017.
  • **Nahon, Pierre. (2014) Dictionnaire amoureux de l’Art moderne et contemporain, Plon, Paris, 688 pages, 24euros.

Ce texte est soumis à la loi sur la reproduction. Autorisation à demander à amelie.haut@gmail.com

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