S’il est bien une exposition dont le titre traduit parfairtement le propos, c’est la première monographie consacrée, en Belgique, à l’artiste protéiforme qu’est Fernando Botero: Au-delà des formes, présentée au BAM de Mons.

Le parcours construit à cette occasion nous montre comment toute l’oeuvre de Botero (Medellín,1932) est un réseau d’idées enchevetré. Dès son plus jeune âge, il découvre le travail de Picasso, en noir et blanc car il n’a pas accès aux reproductions en couleur. C’est là qu’il prend contact pour la première fois avec la déconstruction du réel qui restera une de ses préoccupations centrales. Après ses études d’art, il part en Europe où il découvre la peinture classique italienne, les fresques, Vélazquez, Goya…

Lorsqu’il arrive au Mexique en 1957, il est riche de toutes ces oeuvres et si l’on ajoute l’influence des statues pré-colombiennes, l’attrait pour les muralistes mexicains, et l’envie d’inclure « le monumental » dans ses toiles, on comprend mieux pourquoi dans la Nature morte à la Mandoline, il choisit de dilater la forme en déformant les proportions: le trou de la mandoline réduit à une dimension minuscule fait paraître la mandoline énorme. Désormais, son style est créé: ses personnages, toujours hiératiques, seront disproportionnés par rapport à leur environnement et aux objets qui les entourent. Son inépuisable fécondité est en marche.

L’exposition est d’une richesse incroyable puisqu’elle rassemble des oeuvres

venues du monde entier, prêtées par le Guggenheim de New York, des collectionneurs privés, le musée de Medellín ou d’autres institutions internationales. Tout le parcours de l’artiste colombien – oeuvres de jeunesse, natures mortes, nus, tauromachie, reprises de tableaux de grands maîtres – est représenté ici .

Pour évoquer Botero, on parle sans cesse de la volupté des rondeurs, mais regardez bien ces visages fermés, presque indifférents, ces corps aux volumes disproportionnés, dilatés, et, pourtant, comme écrasés par l’étroitesse de l’espace qui leur est concédé. Lisez, bien au delà du portrait, toute la symbolique qui n’est pas QUE surréaliste.
Entrez dans cette sorte de cellule, isolée, à l’écart des regards, pour y découvrir les fameuses toiles consacrées aux tortures infligées, dans la prison d’Abou Ghraib, par des Américains à des soldats irakiens, représentés nus, dilatés bien sûr, liés, torturés, couverts de sang, pathétiques. Il y donc du politique chez Botero.
En ce qui me concerne, Au delà des formes a été une vraie découverte, une rencontre. Je connaissais les représentations des oeuvres de Botero, j’en connaissais mal le récit. Et j’ai été particulièrement émue devant une toile peinte lors des premières semaines passées à New York, où l’artiste n’avait pas de quoi

s’acheter de la peinture rouge, sa couleur de prédilection (certaines toiles comportent plus d’une vingtaine de rouges différents, comme The sleeping cardinal) mais aussi la plus coûteuse.


Fernando Botero ne peut pas s’arrêter de peindre et il produit alors une toile sans rouge, pleine d’émotion, de chaleur moite, intime et inspirante dans la façon dont elle saisit les détails du quotidien.
S’il ne fallait garder qu’un instant, je vous recommanderais de passer au BAM juste pour regarder ces incroyables vidéos qui montrent la transformation d’une toile d’un grand maître classique, comme Les Epoux Arnolfini de Van Eyck, en un Botero. Animation totalement bluffante.

Et au coeur de la ville, une sculpture monumentale!
Exposition accessible jusqu’au 30 janvier 2022 (il vous reste juste un mois!) au BAM , 8 rue Neuve à 7000 Mons. Covid safe ticket. Pass Museum.
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