Le Brussels Film festival 2016 se termine aujourd’hui. On craint pour l’édition suivante car, après la réduction des subsides, c’est la pluie qui l’a massacré. C’est vraiment dommage. Pourtant, ce festival est magique : il offre pendant une semaine l’occasion de voir, à Flagey, pour 5 euros par séance, des films européens qui ne seront jamais distribués chez nous parce qu’un film lituanien, finlandais, serbe, bulgare ou islandais, ça ne fait pas évidemment pas recette. Et chacun sait qu’un film qui ne rapporte rien n’a rien! Bien sûr, on y découvre aussi des réalisations anglaises, françaises ou italiennes – qui se taillaient une part de choix dans la programmation de cette année – et il y a même des séances pour seniors en début d’après-midi (eh oui, les seniors ça se couchent tôt !) suivies d’une distribution de tarte (eh oui, les seniors c’est gourmand et ça aime la tarte). Et pour les seniors qui, comme moi, se couchent tard et préfère la vodka ou le cava, il reste les soirées des cinémas polonais et espagnol où entre deux films, on boit et on mange des produits locaux.
Comme chaque année, j’ai vu beaucoup de films au cours de cette semaine, certains réussis, d’autres beaucoup moins, certains attachants, d’autres beaucoup moins, … Et puis, parfois, tout à coup, quand on ne l’attendait plus, on trouve une pépite, un de ces moments de cinéma exceptionnels qui vous marque autant que pourrait le faire un livre. Un film sans violence ni hémoglobine, sans torture ni tueur sadique, sans introspection du moi ni analyse, sans métaphore du monde ni apocalypse sociale… Un film intelligent et sensible. Truman.
Tomás et Julian sont des amis inséparables depuis l’enfance mais que la vie a posés loin l’un de l’autre. Le premier au Canada, l’autre à Madrid. A la demande de Paula, la cousine de Julian, Tomás vient passer quatre jours à Madrid car le cancer du poumon qui ronge son ami depuis un an évolue rapidement. Julian a décidé désormais d’arrêter la chimio, de choisir la date de son départ et d’organiser avec Tomás – désarçonné par la décision – les détails de ses funérailles. Seule ombre dans ce projet, Truman, le chien de Julian. Plus que son chien. Son ami. Son autre enfant. Et l’abandonner, c’est mourir une deuxième fois.
Bon, dit comme ça, c’est terrible. On pleure déjà anticipativement. Et c’est évident que le film compte quelques séquences d’une rare intensité émotionnelle. Mais au-delà de ça, quelle légèreté, quelle finesse, quel humour – les sourcils levés de Javier Cámara en disent plus que vingt gags décalés – , quel enthousiasme pour la vie ! Voilà un homme libre de ses choix, qui les assume, qui vit, jusqu’au bout, intensément, sinon à quoi bon, sans apitoiement, et qui porte sur les choses et les êtres un regard lucide mais avide, superbe – ah ! les yeux bleus de Ricardo Darín ! – parce qu’il garde la main sur sa vie, donc sur sa mort. Le film radieux de Cesc Gay, porté par des acteurs extraordinaires d’humanité, sera sans conteste ma pépite de 2016! Dont la séance devrait être remboursée par la mutuelle, et pas seulement pour les seniors !
Truman, de l’espagnol Cesc Gay sur un scénario de Tomás Aragay avec Ricardo Darín, Javier Cámara et Dolores Fonzi, 2015. Couronné par cinq Goya : Meilleur Film, Meilleur Acteur (Ricardo Darín), Meilleur Second Rôle (Javier Cámara), Meilleur Réalisateur et Meilleur Scénario original (Cesc Gay et Tomas Aragay).
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